Quelques éléments d'histoire familiale et de généalogie

à l'attention des descendants des

"Willigens de Bitche",

c'est à dire de la nombreuse famille du

Docteur Christophe Willigens

et de son épouse Amélie Sophie, née de Kessel.

 

Cette histoire familiale vient compléter les pages que nous ont laissées deux des filles de Christophe et Amélie, Tante Mouth et Tante Malye.

Pour ceux qui ne les connaitraient pas, je renvoie aux transcriptions que j'en ai faites et à la version "revisitée" des mémoires de Tante Malye; revisitée après correction de quelques inexactitudes mais aussi par ajout d'éléments ou d'anecdotes que la vérification des personnages mentionnés par Tante Malye et des liens les reliant à la famille a pu m'amener à découvrir.

Commençons par quelques préliminaires généalogiques: Pour mieux replacer un personnage parmi les ancêtres, il arrivera à l'occasion que soit utilisée sa désignation Sosa.
Elle doit son nom à l'Espagnol Hieronimus de Sosa, qui l'introduisit à la fin du XVIIème siècle. Les Allemands la désignent par "numérotation Kekule" du nom de leur généalogiste qui la remit au goût du jour 200 ans plus tard.
C'est assez simple. A partir d'une personne donnée que l'on note "1" on désigne son père comme "2" et sa mère comme "3". Son grand-père et sa grand-mère paternels seront respectivement notés "4" et "5", ses grand parents maternels "6" et "7".
On voit qu'un Sosa pair désigne un homme, un Sosa impair une femme.
Avec 8, qui correspond à deux puissance trois, on commence à couvrir la troisième génération, celle des huit arrière-grand-parents, où l'on trouvera les "Sosa" 8 à 15. Le Sosa "16" sera ensuite le premier de la génération suivante, celle des seize arrière-arrière grand-parents qui iront jusqu'au Sosa 31.
Voir aussi

http://www.guide-genealogie.com/guide/numerotation.html

Les Sosa qui seront éventuellement mentionnés ici sont "calculés" pour l'un quelconque des enfants du couple Christophe – Amélie.
Attention! Il vous faudra les recalculer en fonction du lien d'ascendance vous reliant à Christophe ou Amélie pour déterminer le Sosa par rapport à vous-même ou tout autre membre de votre famille.

Une carte est jointe pour situer approximativement les divers berceaux des ancêtres les plus récents.

 

 

Christophe Willigens

 

Christophe Joseph Willigens (Sosa 2!) est né le 19 décembre 1808 à Roeschwoog dans le nord de l'Alsace.

Il n'a pas encore été possible de déterminer à quel titre son père Pierre (Sosa 4) et sa mère (Sosa 5) s'y trouvaient. C'est à Fort-Louis, alors rebaptisé Fort-Vauban, au bord du Rhin et distant de quelques trois kilomètres seulement, que ses parents se sont mariés l'année précédente.

Une hypothèse est que Pierre Willigens, originaire de Kirchberg dans le Hunsrueck, y ait été "officier de santé" pour la garnison, alors importante, mais qu'ils aient résidé à Roeschwoog.

C'est en tout cas à Fort-Louis que l'on trouve de nombreuses traces de la famille Battiston, riches propriétaires fonciers d'origine italienne. Un de ses membres, prénommé Christophe, est témoin lors de la déclaration en mairie de la naissance de Christophe Willigens, tandis que Tante Mouth évoque une Madame Battiston, marraine de Christophe Willigens et qui est en quelque sorte sa "correspondante" lorsqu'il commence plus tard sa scolarité comme pensionnaire au lycée de Rastatt, pratiquement juste en face sur la rive badoise du Rhin.

La famille déménage, sans doute avant 1811 - date à laquelle Pierre Willigens reçoit à Mayence son "approbation" pour exercer la médecine (en tant que "Arzt und Wundarzt") le 21 février) - voire avant 1810, année qui voit déjà la naissance à Kirchberg d'une petite soeur de Christophe, Elisabeth Philippine. Elle ne vivra qu'un an.
En 1813, c'est encore à Kirchberg que nait Thérèse Brigitte, la jeune soeur de Christophe, qui épousera le géomètre Thanisch.

La date exacte du début des études de Christophe Willigens au lycée Grand-Ducal de Rastatt n'a pu être déterminée, mais son nom est mentionné dans le compte-rendu d'une fête de l'établissement en 1825, en même temps d'ailleurs que celui d'Alexandre de Kessel, son futur beau-frère,

Il sont tous deux dans la "3ème classe", mais Alexandre fait partie de la 2ème "Abteilung", Christophe de la première.

La raison de ces études secondaires à deux cents kilomètres de Kirchberg, alors que Mayence, Trêves ou Coblence sont plus proches? Outre les amitiés conservées à Roeschwoog ou Fort-Louis, quasi-voisins de Rastatt, par exemple la présence de Mme Battiston qui sert de "correspondante", Rastatt n'est qu'à quatre lieues de Steinbach, bourgade - aujourd'hui intégrée à Baden-Baden - dont l'épouse de Pierre Willigens est originaire.

Christophe y aurait donc eu de la famille côté maternel.

Après Rastatt, Christophe Willigens entame ses études de médecine. Il est possible qu'il ait fréquenté successivement deux ou trois universités différentes, mais les seules traces que l'on trouve sont celles de Wurtzbourg, à l'université Julius Maximilian.

Il y loge en 1830 dans une sorte de cité universitaire et partage sa chambre No 2d N126 avec un certain…Alexandre de Kessel, de Mannheim.

Deux ans plus tard, il figure sur la liste de 60 élèves ayant reçu le grade de docteur en médecine au cours de l'année universitaire 1831-32.

C'est à cette époque que le mouvement des corporations estudiantines dites "burschenschaften", né en 1817 et ravivé entre autres par les révolutions de 1830 en France et 1831 en Belgique, devient assez virulent - en particulier à la suite de l'assaut donné par une cinquantaine de ces activistes contre des bâtiments publics de Francfort (Wachensturm) - pour susciter une répression que l'influence de la Prusse rendra féroce.

Les supposés meneurs, dont environ 900 menbres des Burschenschaften de divers endroits, sont systématiquement pourchassés, leur tête mise à prix.

Lors des jugements expéditifs les condamnations à mort pour haute trahison ne sont pas rares, une quarantaine sont prononcées au total.

Christophe Willigens, membre d'une Burschenschaft depuis 1827, est manifestement assimilé à un "meneur"!
En 1834 le grand inquisiteur prussien, le procureur général Dambach, le convoque par avis de recherche le sommant de venir à Berlin se soumettre à un interrogatoire pour répondre à l'accusation de haute trahison dont il est l'objet. Le procureur est cependant mal informé, car il parle du "candidat" Willigens, alors que C.Willigens est déjà docteur.
Il parle aussi du "fugitif" qui se trouverait en France, et là il a raison, Christophe a dejà passé la frontière.

Le "signalement" (en prussien dans le texte) publié à l'occasion nous apprend que
notre ancêtre mesurait cinq pieds trois pouces, qu'il était de stature trapue et avait le cheveu brun-noir et commençant à se raréfier, le front rond, les yeux bleu-gris, le nez gros et légerement tordu vers la droite, et que la phalange de son index droit était raccourcie pratiquement jusqu'à la racine de l'ongle.

Christophe est à Strasbourg, où se sont rassemblés plusieurs des fugitifs recherchés par Dambach. L'un d'eux est Georg Büchner, étudiant en médecine et jeune porte-drapeau des révolutionnaires romantiques, futur auteur de "La mort de Danton" et de "Woyzeck", qui disparaitra peu après, à 24 ans.

 

De leurs rencontres peut-être conspiratives et en tout cas exaltées et/ou arrosées, les exégètes de Büchner ont retenu la contribution suivante de Christophe Willigens

"Qui ne la met en jeu ne saurait gagner la vie!"

Parallèlement il a réécrit sa thèse, en latin et sur la scarlatine. Elle ne compte que deux douzaines de pages, mais cela semble être la norme de l'époque.

Il la soutient à Strasbourg – le 26 janvier 1836, Büchner écrit à un ami "Wilgens hat souteniert" - et, bien que les poursuites à son encontre aient été abandonnées en Allemagne (une Wiener Zeitung de 1836 fait état d'un "acquittement"), il décide manifestement de rester en France. Il fait venir sa fiancée, ils se marient à Bitche le cinq juillet 1838.

Le reste…

 

Emma Louise Sophie Amélie Frédérique de Kessel

 

Elle est notre "Sosa" No3. Née à Karlsruhe un 29 novembre. Sa maison natale de la Amalienstrasse (!) existait encore il y a une cinquantaine d'années

Ses nombreux prénoms auxquels on trouve ajouté à l'occasion celui de Maria, ont connu des variations au fil des actes la mentionnant, les uns en français, les autres en allemand.

Sa date de naissance aussi?

Car les archives de Karlsruhe constatent sa naissance en 1813.

En revanche, sur son acte de mariage, qui se réfère aux mêmes actes, mais dûment transcrits et traduits (à Sarreguemines), l'année est mentionée comme 1816.
Année manifestement reprise plus tard lorsqu'elle décline son âge, par exemple au mariage de son fils Alexandre, ou lorsque quelqu'un le fait pour elle, comme lors de la déclaration de son décès.

Pas grand chose à ajouter aux mémoires de tante Mouth à son sujet: Elles nous décrivent la vie familiale jusqu'à ce que les plus grands des enfants quittent Bitche pour voler de leurs propres ailes.

 

 

Pierre Paul Abunde Willigens (Peter Paul Abundy)

Il est le "Sosa" No 4.

Si sa date de naissance est souvent indiquée comme le 29 juin 1780, elle n'est pas sûre!

Le "livre des familles" de Kirchberg suggère en effet que le "Peter Paul" né ce jour là n'aurait vécu qu'un an.

On trouve trace de l'"immatriculation" en médecine d'un Abundus Willigens, de Kirchberg, à l'universté de Fribourg en Brisgau pour l'année 1802-1803.

Un peu plus tard , un décret de l'électeur de Bade du 17 avril 1804 lui octroie une "licentia practicandi" qui autorise le chirurgien "Abundus Willigens de Kirchberg" à pratiquer son art dans le traitement des blessures et l'obstétrique.

Selon les souvenirs familiaux, il aurait été ensuite officier de santé "dans la Grande Armée", ce qui aurait expliqué son possible poste à Fort-Louis, alors place forte à proximité de Roeschwoog et la naissance de son fils Christophe en ce lieu.

Si c'est bien cette profession (et les prénoms Pierre-Paul) qui figurent tant dans son acte de mariage que dans l'acte de naissance de son fils, on ne trouve cependant aucune mention de son nom comme chirurgien aux armées dans les archives militaires françaises de Vincennes.

Il semble en tout cas s'être installé peu après comme médecin à Kirchberg/Hunsrueck, le petit bourg dont il est originaire.

D'abord en tant qu"'officier de santé", qualité mentionnée dans l'acte de naissance d'une fille, Elisabeth Philippine, en 1810 acte établi en français puisque Kirchberg fait encore partie des départements de la rive gauche du Rhin (Rhin-Moselle).

En 1818 le "journal officiel de l'administration prussienne à Coblence" (Amtsblatt) le liste comme "Arzt", praticien à Kirchberg, en faisant mention d'une "approbation", sans doute une autorisation d'exercer, établie à Mayence le 21 février 1811.

Le même J.O. annonce douze ans plus tard, en date du 21 février 1830, le décès survenu le 17 du "Distrikt Arzt" P.P. Willigens.

Pendant ses années à Kirchberg il a, en 1824, donné une communication à une revue de médecine, portant sur ses observations de polydactylismes héréditaires*.

Edition 1823-1824 des annales médico-chirurgicales, qui fait état d'un rapport du "chirurgus Willigens" sur le cas d'une famille où les malformations sont fréquentes - particulièrement la présence d'un sixième doigt à chaque main.

Au sujet de l'imprécision sur les prénoms dans ces diverses mentions administratives, on ne peut que risquer une hypothèse. Car il y eut, d'après les registres paroissiaux de Kirchberg, plusieurs enfants baptisés "Peter" et/ou "Abundy" chez les deux frères Willigens installés à Kirchberg, Heinrich et Anton, et qui y avaient épousé deux soeurs Hillen, Anna Barbara et Anna Catharina. A côté de "Peter Paul", deuxième né d'après les registres et, selon eux, mort à un an, Heinrich avait baptisé Peter Abundus son premier, né en 1778. Aurait on reporté sur celui-ci l'usage des prénoms de Peter Paul, mort trop tôt? En quelque sorte "Peter Abundus dit Peter Paul"?

En ce cas il conviendrait de corriger la date de naissance de l'aieul au 15 jullet 1778, ce qui est corroboré par l'indication d'âge qu'il donne en 1810 en déclarant la naissance de sa fille: 32 ans!

 

 

Brigita Volmer (Brigitte Volmer selon l'extrait d'acte de naissance de son fils)

Mère de Christophe, elle a le Sosa No 5

On sait d'elle qu'elle est décédée en 1834 à Hermeskeil et "originaire de Steinbach", où elle est née vers 1784.

Pas de problème pour Hermeskeil, bourgade du plateau dominant la rive droite de la Moselle au sud-est de Trêves, où elle semble s'être installée après son veuvage. Sa fille y est mariée à un géomètre de l'administration du cadastre.

Mais la démarche pour retrouver le Steinbach des racines de Brigita fut nettement plus ardue et typique des difficultés que le généalogiste amateur rencontre avant de pouvoir conclure. Il n'est peut-être pas inintéressant, pour les illustrer, de détailler les réflexions auxquelles elle a donné lieu. Une première version de ce texte se lisait ainsi

En revanche on ne peut pour l'instant que faire une hypothèse sur le "Steinbach" de sa naissance, ce toponyme désignant en Allemagne pas moins de douze communes – dont l'une assez proche de Kirchberg sur le plateau du Hunsrueck et une autre voisine d'Oberursel dans le Taunus – et cinq à six fois plus de villages ou paroisses entretemps disparus en tant qu'entités administratives.

Le Steinbach proposé fait partie de ce dernier groupe, puisque ce village viticole à la limite de la plaine rhénane et des premières pentes de la Forêt Noire, qui vit naitre le maitre Erwin de Steinbach, architecte et conducteur des travaux de la cathédrale de Strasbourg, fut incorporé en 1972 à la commune de Baden-Baden.

Les arguments en faveur de cette hypothèse du Steinbach badois?

  • On y trouve effectivement une "Brigita Volmer" née cette année là. Même si le nom de Volmer est assez répandu, il semble douteux qu'on trouve une telle combinaison en fouillant les archives de tous les autres Steinbach.
  • Le Steinbach badois se trouve sur la route menant de Kirchberg à Fribourg/Brisgau, où Peter Paul Abundy étudia, il parait donc plus plausible qu'un Steinbach de Saxe ou Thuringe, qu'il n'aurait guère eu de raisons de visiter.
  • Les Volmer badois étaient vignerons et aubergistes, or Peter Paul Willigens, comme nous dit Tante Mouth "devait être un homme intelligent, aimant le vin et les cartes"
  • Même si c'est pour les Kessel qu'elle l'écrit, Tante Malye fait état d'origines badoises
  • Moins de dix kilomètres séparent Steinbach de Fort-Louis, où Peter Paul semble avoir été en poste de chirurgien, et moins d'une quinzaine de Rastatt, où Christophe fut plus tard inscrit au lycée. Aurait-on choisi Rastatt, très éloigné du Kirchberg où la famille s'était entretemps installée, sans la proximité de grands-parents maternels?

L'hypothèse est entretemps confirmée, par l'acte de mariage de Birgita et Pierre-Paul Willigens (à Fort Louis/Fort Vauban, en mai 1807), qui mentionne spécifiquement le "Steinbach de l'autre côté du Rhin".

Brigitta Volmer est encore à Kirchberg quand elle adresse une supplique demandant des subsides après le décès de son mari, faisant état d'enfants à sa charge, demande qui semble avoir été en partie au moins satisfaite par la liquidation des émoluments encore à percevoir par le défunt.

Elle déménage plus tard pour Hermeskeil, tout porte à croire que c'est pour s'installer auprès de sa fille, qui a épousé le géomètre Thanisch qui y exerce.

L'ascendance de Brigita Volmer, retrouvée gràce au "livre des familles" pour Steinbach, figure en pièce jointe reprise du format pdf.

Les communes qui y sont mentionnées sont toutes dans le proche voisinage, badois, de Steinbach.


 

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